mercredi 5 mars 2008

Kadra pourra retrouver son clitoris grâce à la Fondation Clitoraid

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Kadra pourra retrouver son clitoris grâce à la Fondation Clitoraid

Par Julie-Maude Beauchesne , AlterHéros
2008-03-03

Dans plusieurs pays d’Afrique noire et arabe, non seulement on ne permet pas aux femmes de vivre leur sexualité ou leur orientation sexuelle comme bon leur semble, on va encore plus loin : on leur refuse tout plaisir sexuel!

Avec une ceinture de chasteté? Non, pas du tout… Pour y arriver, la méthode employée est des plus brutales. Elle a pour nom l’excision. Ainsi, chaque année, plus de deux millions de filles africaines se font couper leur clitoris, par leur mère ou une proche, par seul souci de perpétuer une tradition dépassée, née à l’époque des pharaons.

Bien que de nombreux gouvernements Africains aient rendu cette pratique illégale, des milliers de jeunes filles subissent chaque jour cette mutilation génitale où des femmes coupent le gland du clitoris (et parfois les petites lèvres) des jeunes filles, à froid, sans anesthésie, et surtout, avec les moyens du bord, tels des lames de rasoir, des couteaux ou des morceaux de verre.

Des milliers de jeunes filles subissent chaque jour cette mutilation génitale à froid, sans anesthésie, et surtout, avec les moyens du bord, tels des lames de rasoir, des couteaux et des morceaux de verre.

Il n’est pas rare de voir certaines fillettes aux prises avec des infections graves qui dégénèrent et entraînent parfois la mort. Souvent, les tissus nécrosés demeurent douloureux et rendent toute relation sexuelle difficile.

Heureusement, il est désormais possible de renverser la vapeur. Grâce à une technique développée par le chirurgien français, le Dr Pierre Foldes, des femmes excisées peuvent retrouver l’usage de leur clitoris. En Amérique, Marci Bowers, chirurgienne qui se spécialise dans les opérations de réassignation génitale pour les personnes transsexuelles, maîtrise également la technique depuis peu.

Rendre l’opération accessible
Bien que l’opération soit fort peu coûteuse (un peu plus de 500$ canadiens) elle demeure toutefois hors de prix pour les africaines, puisque cette somme représente pratiquement un an de salaire!

Afin de rendre l’opération accessible aux africaines excisées, la Fondation Clitoraid a été créée en 2006 à l’initiative de Raël, le fondateur du Mouvement Raëlien. L’organisation à but non lucratif a des ramifications aux quatre coins du globe afin d’amasser la somme nécessaire pour bâtir « l’Hôpital du plaisir », à Bobo Dioulasso, au Burkina Faso. Près de 100 000$ ont été amassés jusqu’à présent.

« En attendant que cet hôpital soit construit, une partie des sommes qui sont amassées lors des divers salons où Clitoraid fait ses collectes de fonds ont permis à des africaines de retrouver leur clitoris. Six femmes ont déjà retrouvé leur intégrité et leur plaisir grâce à nous », signale la responsable de Clitoraid pour la région de Montréal, Marissé Caissy.

Pour en savoir plus sur Clitoraid, nous nous sommes rendus au dernier Salon de l’Amour et de la Séduction, qui s’est tenu au Stade Olympique les 8, 9 et 10 février dernier, où l’organisme tenait kiosque. À notre arrivée, impossible de manquer le stand de Clitoraid aux couleurs noir et jaune flamboyant.

Au milieu des bénévoles fourmillant autour du kiosque se trouvait Kadra, cette petite perle noire d’Afrique qui, tout sourire, leur prêtait main forte.

Tout tombe à point pour nous! Non seulement nous pourrons en connaître d’avantage sur cette fondation avant-gardiste, mais aussi nous pourrons avoir le témoignage d’une femme excisée. Très ouverte à l’idée, Kadra n’hésite pas une seconde à nous en dire un peu plus sur ce volet de sa vie intime.

C’est en septembre dernier, alors qu’elle se promenait rue Ste-Catherine, que cette jeune africaine à pris contact avec les bénévoles de Clitoraid. Vivant au Québec depuis quelques années afin de poursuivre ses études universitaires, elle a été surprise d’apprendre qu’elle pourrait retrouver son clitoris et, du coup, son plaisir sexuel.

« Sur le coup, quand j’ai été abordée, j’étais sous le choc, car l’excision c’est un dur souvenir que l’on garde au fond de soi. Mais de voir ces gens formidables soutenir cette cause qui fera tant de bien aux filles africaines, je me suis sentie vraiment interpellée. Pour corriger ce geste barbare que l’on fait subir aux jeunes femmes, je voulais aider et me suis jointe à l’équipe », raconte la jeune africaine, fort enthousiaste et heureuse de voir des Québécois porter à bout de bras cette cause qu’ils pourraient facilement ignorer.

Perdre son innocence
Kadra est née au Djibouti, un petit pays d’Afrique de l’Est, il y a 30 ans. En compagnie de trois de ses sœurs, sa mère l’entraîna dans un voyage en Somalie (pays voisin) qui allait bouleverser sa vie. Elle n’avait que 6 ans. Encore innocente et impuissante, on allait mutiler son corps, la priver pour le reste de ses jours d’un plaisir sexuel en lui excisant le clitoris.

Estimation du pourcentage de femmes africaines excisées dans chaque pays.

« C’était vraiment horrible… J’ai vu mes sœurs se faire exciser, là devant moi, sans que je ne puisse rien faire. Elles se sont fait couper le clitoris, à froid avec une simple lame, comme on le voit à la télé. J’avais peur, je voulais m’enfuir. On m’a attrapée, je me suis débattue et ce fût à mon tour… »

Cette scène d’horreur, elle se reproduit des millions de fois chaque année, en Afrique de l’Ouest, de l’Est et dans quelques pays du Moyen-Orient, afin de complaire à une pratique ancestrale qui viendrait de l’époque des Pharaons.

« C’est vraiment une tradition barbare qui vient d’une époque primitive, dénonce-t-elle sans hésitation. Mais je n’en veux pas à ma mère. Elle nous a fait exciser pour répondre aux pressions sociales, comme elle s’était fait exciser dans sa jeunesse. Aujourd’hui elle en est consciente et s’en veut. Jamais elle ne referait ça aujourd’hui. D’ailleurs, ma plus petite sœur a eu la chance de ne pas subir cette mutilation, car les choses avaient commencé à changé dans mon pays. »

Bien que cette pratique se fasse majoritairement dans des régions musulmanes, il serait faux de lier l’excision à une pratique religieuse. « J’ai moi-même lu le Coran pour tirer ça au clair. Jamais il n’est question de cette pratique dans ce livre. L’Islam prône l’intégrité de son corps. L’excision est tout contraire à cela », laisse-t-elle entendre énergiquement.

Reconstruire son clitoris
Bientôt, toute cette histoire sera derrière elle. Depuis son contact avec Clitoraid, elle a entrepris les démarches auprès de l’organisme afin de pouvoir subir cette opération chirurgicale innovatrice qui lui permettra, aux dires du Dr Foldes, de retrouver la majeure partie de son plaisir sexuel. Elle devrait se faire opérer d’ici la fin 2008.

« Je ne saurai jamais si ce sera le vrai plaisir sexuel, parce que je ne pourrai pas comparer. Mais je suis sûre que cela augmentera mon plaisir. Même si chez les musulmans, le sexe est un sujet tabou, je sais que ce n’est pas un pêché. Le sexe, ce n’est pas mal lorsque l’on respecte son corps », juge-t-elle.

D’ici son opération, elle a décidé d’en parler autour d’elle, aux Africaines qu’elle sait ouvertes d’esprit. Déjà, elle a sensibilisé sa sœur vivant en Belgique qui s’est dite intéressée à subir elle aussi cette opération.

« Pour le moment, en parler à petite échelle, ça me libère, dit-elle. Je ne suis pas encore prête à le faire devant un large public, comme à la télé, mais je sais que ça viendra. Bientôt, j’aurai le courage de le faire. Si l’on veut éliminer ces pratiques inhumaines, il faut parler. Et j’espère que d’autres filles feront comme moi afin que ça change. »

3 200$ de plus!

Une partie de l'équipe montréalaise de Clitoraid : Liliane Gilbert, Kadra, Marissé Caissy (responsable de Montréal), Vie d'Amour, Stella Desgagnés, et M'Ris.

Quant à l’équipe montréalaise de Clitoraid, l’effort déployé par la quinzaine de bénévoles vêtus de noir et tenant les tirelires aux couleurs de l’organisme durant le Salon de l’amour et de la séduction leur a permis d’amasser près de 3200$. Cette somme s’ajoute aux 3000$ recueillis en janvier par l’équipe gatinoise, lors du Sexapalooza show d’Ottawa, et viendra donner un bon coup de pouce à l’atteinte de l’objectif canadien pour 2008 fixé à 20 000$.

Un résultat qui rend heureuse la responsable de Clitoraid à Montréal, Marissé Caissy. «Grâce à nos efforts, des femmes pourront consciemment corriger les dégâts qu’elles ont dû subir à un âge où elles n’étaient pas conscientes, affirme-t-elle avec émotion. Je suis très fière de notre équipe! »

Pour plus d’information sur la Fondation Clitoraid, visitez www.clitoraid.org.